La Surprise de Hrodnia (3/4)

 

 

Chef d escadron jan leon kozietulski peintre anonyme avant 1821 wikimedia commons 1

Figure 1: Jan Leon Hippolyt Kozietulski, 1778 (ou 1781)-1821, officier exceptionnel du régiment polonais de la Garde prouvant constamment sa fidélité à Napoléon entre 1807 et 1814 (Source-Wikimédia Commons)

 

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Aux premières lueurs du jour, les artilleurs de la Garde du général Boulart sont venus prendre leur poste en protection du grand-quartier-général comme on leur avaient déjà prescrit la veille. Nettoyant le matériel des pièces d’artillerie et se préparant pour se tenir prêt à partir, ils sont surpris d’entendre, au-delà du campement, une immense clameur qui semblait s’enfler au fil des minutes et du jour naissant. Certains dirigent leur tête vers cette rumeur pour essayer de localiser d’où elle vient et l’on se rend assez vite compte que c’est la direction qu’a prise l’Empereur il y a un peu plus d’une heure. Les conversations vont bon train. C’est alors que l’on voit passer des Grenadiers à cheval en manteau qui éperonnent leurs chevaux au grand galop. Le danger est bien là. Boulart, prévoyant, fait immédiatement prendre les armes à ses hommes et les artilleurs forment une sorte de protection circulaire autour du grand-quartier-général se tenant prêt à parer toute attaque d’autant que la rumeur enfle de plus en plus semblant même devoir se rapprocher. Que se passe-t-il donc du côté de Hrodnia et surtout que fait l’Empereur ?

 

Artilleurs de la Garde Impériale

Figure 2: Artilleur à pied et artilleur à cheval de la Garde Impériale (Source-collection Vinkhuijzen, New York Public Library Digital Collection)

 

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Au bivouac des Polonais de la Garde, le capitaine Józef Za?uski, à peine sorti de son sommeil, est allé retrouver ses camarades de l’escadron du chef d’escadron Antoni Jankowski pour prendre une collation en attendant que le jour se lève vraiment. Ce jour-là, l’escadron de Jankowski est de service auprès de l’Empereur, aussi va-t-il partir dans peu de temps pour le rejoindre de même que les escadrons de service issus des Dragons, Chasseurs à cheval et Grenadiers à cheval. Bessières doit mener ces hommes à la suite de l’Empereur mais celui-ci a été très matinal ; il importe donc de se presser pour le rallier d’autant que rien n’est moins sûr aux avant-postes avec les Cosaques de Platov rôdant. Za?uski et les siens ont à peine le temps d’allumer leur pipe pour se réchauffer qu’un officier surgit pour leur livrer une nouvelle à glacer le sang : « À la Garde, À la Garde, l’Empereur est enlevé par Platov ! ». En tendant leurs oreilles, les Polonais entendent alors le hurrah et la terrible nouvelle ne fait, alors, plus de doute. Enfourchant leurs chevaux aussi rapidement que possible, les officiers mettent tout l’escadron en bataille pour se porter sur le point d’où provient la clameur ; le capitaine Za?uski prend le commandement en tant que plus ancien et le chef d’escadron Jankowski suivi du capitaine Zielonka se mettent à sa suite. Il faut faire vite ! Plus loin en arrière des Polonais, des centaines de chevaux reçoivent l’impulsion de leurs cavaliers : toute la Garde à cheval a reçu le même ordre simple et limpide : Sauvons l’Empereur ! L’escadron des Chasseurs à cheval est le plus prompt suivi par les Polonais de Za?uski.

 

16 chef d escadron joseph zaluski vers 1825 par stanislas jakubowski via wikimedia commons

Figure 3: Le capitaine et futur chef d'esadron Jozef Bonawentura comte Zaluski, 1787-1866, officier modèle du régiment et historien de l'unité via ses célèbres mémoires (Source-Wikimédia Commons)

 

Antoni jankowski

Figure 4: Le chef d'escadron des Polonais de la Garde Antoni Jankowski, 1783-1831 (Source-Biblioteka Narodowa Polona)

 

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Aux côtés des Polonais, se sont joints les guerriers Mamelouks de l’Alsacien Kirmann, une centaine d’homme rompus à la guerre du désert et ne dédaignant jamais faire le coup de sabre pour obéir à leur Empereur envers qui ils ont juré un serment de fidélité personnel. Derrière cette première vague se trouvent un autre groupement de Polonais de la Garde avec le chef d’escadron Jan Kozietulski, le héros de la légendaire charge de Somosierra : il emmène tout ce qu’il a pu rameuter car on ne se battrait décidément pas sans lui ! Ensuite viennent les dragons du major Letort, ces cavaliers d’élite que Rome eut pris des légionnaires avec leurs casques dorés selon Victor Hugo. Et enfin, le maréchal Bessières en personne a pris la tête de l’élite de l’élite à savoir l’escadron de service des Grenadiers à cheval. Le reste du 28ème régiment de chasseurs à cheval toscan suit. Encore plus loin, le général Guyot met en selle tous les autres escadrons de la Garde pour apporter son soutien. Plus d’un millier de cavaliers d’élite, sans doute les meilleurs d’Europe, s’apprête donc immédiatement à fondre contre la masse cosaque. Mais il était grand temps !

 

Cosaque russe en 1812 source carte postale sovietique circa 1980 collection de l auteur

Figure 5: Cosaque du Don de Platov (Source-Carte postale soviétique, années 1980s, collection de l'auteur)

 

La charge des chevau legers polonais source composition de job collection de l auteur

Figure 6: Chevau-légers-lanciers polonais de la Garde Impériale à la charge ! (Source-Composition de JOB, La Vieille Garde Impériale, 1921, collection de l'auteur)

 

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Kozietulski, qui a rapidement pris la tête de tous les Polonais, emmène son escadron et avec les Chasseurs à cheval se jette avec furie dans la mêlée sans réfléchir à adopter une quelconque formation. Pour lui, c’est là sa raison de vivre et tout ce qui lui importe est de garantir son honneur de défenseur de la personne impériale. D’ailleurs, où est l’Empereur ? Kozietulski le cherche du regard quand il croit l’apercevoir sur la gauche du combat semble-t-il à l’abri. Il pique des deux et veut se porter sur ce point quand un mouvement cosaque d’ampleur se dessine sur lui et ses hommes. Une mêlée s’engage mais les Polonais se dégagent. Pourtant, il reste quelques Cosaques épars et alors que Kozietulski se presse pour rejoindre l’Empereur, il voit un de ces féroces guerriers du Don éperonner son cheval en direction même de l’Empereur qui, isolé, semble ne pas avoir vu ce danger mortel et pourtant si proche... Kozietulski se jure en lui-même : lui vivant, on ne permettra pas telle infamie ! Il lance alors son cheval à brides abattues pour sauver celui qu’il considère au-dessus de sa propre vie… Le pourra-t-il ?

 

 

À Suivre….

 

Raphael Romeo.

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Bibliographie

Sources venant des participants directs

-Bonaparte Napoléon, Correspondance militaire de l'Empereur Napoléon Ier, Paris, 1860.

-Caulaincourt Armand-Louis-Augustin, Mémoires du général de Caulaincourt, duc de Vicence, Paris, 1933.

-Gourgaud Gaspar, Napoléon et la Grande Armée en Russie, ou Examen Critique de l’ouvrage de M. Ph. De Ségur par le général Gourgaud, Paris, 1826.

-Rapp Jean, Mémoires du général Rapp, aide-de-camp de Napoléon, Paris, 1823.

-Za?uski Józef, Les Chevau-légers polonais de la Garde 1812-1814, Cracovie, 1855.

-Za?uski Józef, La Pologne et les Polonais défendus par un ancien officier des chevau-légers de la Garde de Napoléon Ier contre les erreurs et les injustices des écrivains français M.M. Thiers, Ségur, Lamartine, Paris, 1856.

Sources des participants indirects

-Boulart Jean-François, Mémoires du général Boulart sur les guerres de la République et de l’Empire, Paris, 1892.

-De Castellane Boniface, Journal de marche du maréchal de Castellane, Paris, 1895.

-Denniée Pierre-Paul, Itinéraire de Napoléon pendant la campagne de 1812, Paris, 1842.

-Fain Agathon-Jean-François, Manuscrit de l’an 1812,

-Goujeon Alexandre, Bulletins officiels de la Grande Armée, campagnes de Russie et de Saxe, Paris, 1821.

-Labaume Eugène, Relation circonstanciée de la campagne de Russie, Paris, 1820, 446 pages.

-Laugier Cesare de, Gli Italiani in Russia, memorie di un ufficiale italiano per servire a la storia della Russia, della Polonia e dell’Italia nel 1812, 1825.

-Lejeune François-Louis, Mémoires du général Louis-François Lejeune, en prison et en guerre à travers l’Europe, 1809-1814, Firmin-Didot et cie, Paris, 1895, 348 pages.

-Löwenstern Baron de, Mémoires du général-major russe Baron de Löwenstern, par M-H. Weil, Albert Fontemoing, Paris, 1903, tome premier, 420 pages.

-Méneval Claude-François de, Mémoires pour servir à l’histoire de Napoléon Ier depuis 1802 jusqu’à 1815, Paris, 1894.

-Ségur Philippe de, Mémoires du général de Ségur, Paris, 1894.

Bibliographie secondaire

-Boutourlin colonel, Histoire militaire de la campagne de Russie en 1812, Saint-Pétersbourg, 1824.

-Brandys Marian, Kozietulski i inni, Varsovie, 1967.

-Chambray de, Histoire de l'expédition de Russie, Paris, 1823

-Chateaubriand François-René de, Vie de Napoléon, 1847.

-Che?mi?ski Jan et A. Malibran, l'Armée du Duché de Varsovie, Paris, 2001.

-Dupont Marcel, Guides de Bonaparte et chasseurs à cheval de la Garde, Paris, 2002, 128 pages.

-Lachouque Henry, The Anatomy of Glory, Providence, 1961.

-Martinien Aristide, Tableau, par corps et par batailles des Officiers tués ou blessés pendant les guerres de l'Empire (1805-1815), Paris, 1899.

-Mullié Charles, Biographie des Célébrités militaires des Armées de Terre et de Mer (1789-1850), Paris, 1852.

-Straszewicz Józef, Les Polonais et les Polonaises de la Révolution du 29 Novembre 1830 ou portraits des personnes qui ont figuré dans la dernière guerre de l'indépendance polonaise, Paris, 1832.

 

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