La Surprise de Hrodnia (2/4)
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Mais déjà, on voit fondre les Cosaques sur leurs premières prises. Officiers d’état-major et aides-de-camp de Napoléon comme Gaspard Gourgaud et François Lejeune les voient charger par la gauche les infortunés hommes du train des équipages et du parc d’artillerie ; jusqu’à de malheureuses cantinières se retrouvent poursuivies par la lance du Sarmate. Mais on ne peut penser à sauver ces pauvres gens : c’est la personne impériale qui est en jeu !
Figure 1: Le baron Gaspard Gourgaud, aide-de-camp l'Empereur (1783-1852)
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Plus qu’une quinzaine de mètres et les Cosaques vont surgir ! Napoléon donne vite quelques ordres : à Rapp, de charger avec tout ce qu’il y a de disponible pour retarder les Cosaques, à Pac d’aller ramener les escadrons de service en arrière, les ordonnances partent pour aller chercher Bessières et la Garde à cheval, Que fait-elle d’ailleurs ?... Pendant ce temps, Napoléon, Caulaincourt et Berthier essayent de sortir de la nasse en éperonnant leurs chevaux vers la gauche pour éviter le choc cosaque en rejoignant un petit tertre à l’écart. Mais Rapp ne peut pas faire grand-chose : il n’a que la douzaine de chasseurs à cheval de l’escorte ordinaire, les officiers d’ordonnance et les généraux aide-de-camp, un peu plus d’une vingtaine d’hommes pour contrer plusieurs centaines de Cosaques ! Pourtant, ce petit groupe, mélange de vétérans des guerres d’Egypte et d’Italie et des jeunes fils de la grande noblesse française, fils de ci-devant, se jette en avant pour s’opposer aux Cosaques qui sont désorientés par la violence de la riposte en face d’eux. Ils voulaient tenter un coup de main et ne s’attendaient pas à rencontrer de vraie résistance ; aussi, tentent-ils de contourner la contre-attaque française en se répandant par petits groupes sur la droite ou la gauche des Français…
Figure 2: L'aide-de-camp favori de Napoléon, le général alsacien Jean Rapp (1771-1821), fidèle parmi les fidèles qui sauvera la vie de l'Empereur à plusieurs reprises (Source-Gravure XIXème-inconnu)
Figure 3: Le comte lituanien Ludwik Pac, 1778-1835, attaché pour la campagne de 1812 au quartier-général en raison de sa connaissance du pays (Source-Gravure issue de l'ouvrage de Straszewicz, collection de l'auteur)
C’est alors que l’impensable manque de se produire...
Figure 4: Rapp et les siens surgissent face aux Cosaques pour défendre Napoléon ! (Source-Composition de Jan Chelminski)
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Un groupe de cosaques voulant se rabattre sur la gauche des Français pour se diriger vers le parc d’artillerie en fuite, entoure une petit groupe de quelques officiers impériaux qui essayaient de se dégager de la mêlée centrale. Il y a là, le duc de Vicence, Caulaincourt, le prince de Neufchâtel et vice-connétable de l’Empire, Berthier et l’Empereur en personne ! À moins d’une dizaine de mètres, les Cosaques croisent Napoléon et le rêve absolu de Platov d’enlever l’Empereur est bien près de se réaliser. Pour ce dernier, la situation eut été inconcevable et les trois hommes mettent alors la main à l’épée pour défendre chèrement leur peau et celle de Napoléon. Mais qu’auraient-ils pu faire contre des dizaines de Cosaques ? Ce fugace instant où le Destin bégaya ne dure pas. Il ne l’aurait pu. La nuit et l’obscurité du théâtre d’ombre avaient sauvé Napoléon. Du moins pour l’instant…
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Regardant du côté de l’Empereur, Rapp voit rapidement le danger et fait rabattre ses quelques hommes sur les imprudents Cosaques qui ne demandent pas leur reste et se portent du côté du parc d’artillerie où ils savent obtenir un butin assez facile. Cependant, si la menace immédiate est écartée, le danger est toujours immense. La masse principale des Cosaques est momentanément ralentie par l’arrivée du comte Ludwik Pac qui, rameutant les deux piquets de service de chasseurs à cheval français et toscans du 28ème chasseurs à cheval, les fait déployer en ligne pour leur faire exécuter des feux de files par pelotons: le hurrah cosaque est, un temps ébranlé, par cette riposte mais très vite, les cavaliers impériaux se trouvent, une nouvelle fois, engloutis dans la horde cosaque.
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Moins de quelques minutes après l’apparition des Cosaques de Platov dans la plaine de Hrodnia, la situation est devenue quasiment incontrôlable. Les trois piquets de service avec le comte lituanien Pac mènent un combat, sabre au clair, contre les Cosaques qui, maintenant, les entourent presque entièrement. Hempel et les Polonais dans la forêt ou sur sa lisière ont déjà disparu derrière les arbres ; Rapp, secondé par les aides de camp et les ordonnances est prêt de succomber. Plusieurs officiers et chasseurs à cheval sont blessés, certains sont tombés de cheval et essayent de rejoindre l’arrière d’où pourront venir les secours. Alors que Rapp tente de s’extirper d’un mauvais coup, il se voit chargé par un Cosaque qui vient planter sa lance dans le poitrail avant de sa monture le faisant tomber de cheval assez violemment. Quelques chasseurs à cheval viennent protéger Rapp, fortement endolori, pour qu’il s’extrait de la lutte et pendant ce temps, les généraux-aide de camp comme Mouton, Lauriston et Durosnel ou encore les officiers et ordonnances comme Athalin ou Gourgaud poursuivent une lutte assez violente contre des Cosaques qui ne démordent toujours pas. Le goût du sang tout comme celui du butin les ont rendus particulièrement féroces et ils ne fuiront pas comme ils en avaient l’habitude. Aujourd’hui, ils ont décidé de rester dans un violent combat à l’arme blanche où crépitent, çà et là, des détonations de carabines ou de pistolets.
Figure 5: Le maréchal Alexandre Berthier, chef d'état-major de la Grande Armée et collaborateur essentiel de Napoléon (Source-Collection de l'auteur)
Figure 6: Le général George Mouton comte de Lobau, 1770-1838, surnommé ''Le Lion'' de Napoléon (Source-Wikimédia Commons)
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Où sont donc les renforts ? Bessières ? La Garde à Cheval ?
A suivre...
Raphael Romeo
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Bibliographie
Sources venant des participants directs
-Bonaparte Napoléon, Correspondance militaire de l'Empereur Napoléon Ier, Paris, 1860.
-Caulaincourt Armand-Louis-Augustin, Mémoires du général de Caulaincourt, duc de Vicence, Paris, 1933.
-Gourgaud Gaspar, Napoléon et la Grande Armée en Russie, ou Examen Critique de l’ouvrage de M. Ph. De Ségur par le général Gourgaud, Paris, 1826.
-Rapp Jean, Mémoires du général Rapp, aide-de-camp de Napoléon, Paris, 1823.
-Za?uski Józef, Les Chevau-légers polonais de la Garde 1812-1814, Cracovie, 1855.
-Za?uski Józef, La Pologne et les Polonais défendus par un ancien officier des chevau-légers de la Garde de Napoléon Ier contre les erreurs et les injustices des écrivains français M.M. Thiers, Ségur, Lamartine, Paris, 1856.
Sources des participants indirects
-Boulart Jean-François, Mémoires du général Boulart sur les guerres de la République et de l’Empire, Paris, 1892.
-De Castellane Boniface, Journal de marche du maréchal de Castellane, Paris, 1895.
-Denniée Pierre-Paul, Itinéraire de Napoléon pendant la campagne de 1812, Paris, 1842.
-Fain Agathon-Jean-François, Manuscrit de l’an 1812.
-Goujeon Alexandre, Bulletins officiels de la Grande Armée, campagnes de Russie et de Saxe, Paris, 1821.
-Labaume Eugène, Relation circonstanciée de la campagne de Russie, Paris, 1820, 446 pages.
-Laugier Cesare de, Gli Italiani in Russia, memorie di un ufficiale italiano per servire a la storia della Russia, della Polonia e dell’Italia nel 1812, 1825.
-Lejeune François-Louis, Mémoires du général Louis-François Lejeune, en prison et en guerre à travers l’Europe, 1809-1814, Firmin-Didot et cie, Paris, 1895, 348 pages.
-Löwenstern Baron de, Mémoires du général-major russe Baron de Löwenstern, par M-H. Weil, Albert Fontemoing, Paris, 1903, tome premier, 420 pages.
-Méneval Claude-François de, Mémoires pour servir à l’histoire de Napoléon Ier depuis 1802 jusqu’à 1815, Paris, 1894.
-Ségur Philippe de, Mémoires du général de Ségur, Paris, 1894.
Bibliographie secondaire
-Boutourlin colonel, Histoire militaire de la campagne de Russie en 1812, Saint-Pétersbourg, 1824.
-Brandys Marian, Kozietulski i inni, Varsovie, 1967.
-Chambray de, Histoire de l'expédition de Russie, Paris, 1823
-Chateaubriand François-René de, Vie de Napoléon, 1847.
-Che?mi?ski Jan et A. Malibran, l'Armée du Duché de Varsovie, Paris, 2001.
-Dupont Marcel, Guides de Bonaparte et chasseurs à cheval de la Garde, Paris, 2002, 128 pages.
-Lachouque Henry, The Anatomy of Glory, Providence, 1961.
-Martinien Aristide, Tableau, par corps et par batailles des Officiers tués ou blessés pendant les guerres de l'Empire (1805-1815), Paris, 1899.
-Mullié Charles, Biographie des Célébrités militaires des Armées de Terre et de Mer (1789-1850), Paris, 1852.
-Straszewicz Józef, Les Polonais et les Polonaises de la Révolution du 29 Novembre 1830 ou portraits des personnes qui ont figuré dans la dernière guerre de l'indépendance polonaise, Paris, 1832.
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